Alevinage de truites pour quels résultats ?

Dans le but de renforcer une population salmonicole jugée trop faible, des repeuplements en truites fario (installations d’œufs ou déversement en alevins) sont généralement réalisés. Il est ainsi envisagé que ces jeunes stades introduits dans la rivière vont pouvoir se développer, s’adapter à la rivière et à terme se reproduire pour créer de nouvelles générations de truite et pérenniser une population « correcte » au sein du secteur.

Mais des retours d’expériences tendent à montrer la mauvaise efficacité de ces repeuplements : les truitelles déversées ne sont plus retrouvées dans les classes d’âges supérieures les années suivantes et/ou ne représentent qu’une part minime des effectifs par rapport aux population natives.

Mais qu’en est-il pour des rivières d’origine salmonicole, qui se sont vues particulièrement touchées par une crue ? C’est la question que la Fédération se pose. En effet, l’épisode cévenol de septembre  2020 a, par endroit, radicalement modifié la morphologie de la rivière et des changements d’habitats et de peuplement piscicole ont pu être mis en évidence après le passage de la crue. Y compris 3 ans après, le peuplement peine à se rétablir et certains secteurs sont devenus apiscicole.

Mise en place d’un protocole expérimental

L’étude se portera uniquement sur la vallée du Gardon de Saint Jean. 3 affluents sont étudiés: le Valat du Roumégous et le Ruisseau de Borgne, qui seront alevinés & la ruisseau de la Loubières, non soumis aux alevinages. La présence d’un ruisseau témoin permet de comparer l’abondance et la diversité de poissons, avec et sans alevinage et de connaitre la variation interannuelle dû aux conditions environnementales

Sur les ruisseaux alevinés, 3 secteurs peuvent être identifiés :

  • un secteur soumis à la pose de boite de Viber, contenant des œufs fécondés de truites de rivière (environ 3 500 œufs/100m linéaire de rivière)
  • un secteur aleviné en truitelles à vésicules résorbées, issues de la même pisciculture que les œufs (environ 1 200 alevins /100m linéaire)
  • un secteur témoin, non soumis directement aux repeuplements, situé à l’aval des cours d’eau proche de leur confluence avec le Gardon

 

Boîte de Viber remplie d’œufs

Installation des boîtes en rivière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Suivis mis en place

Sur chacun des secteurs de rivière, un inventaire piscicole est réalisé annuellement sur une station délimitée. Ces inventaires seront réalisés jusqu’à 3 ans après la fin des repeuplements (soit 2 années de suivis lors de la phase « repeuplement » + 3 années de suivi en « évolution naturelle »).

 

Localisation des stations d’étudiées

En plus d’un suivi piscicole, la qualité des habitats sera également approché, car ils vont être déterminants dans la capacité d’accueil de la rivière (i.e. l’abondance d’individu piscicole que la rivière peut accueillir en fonction des habitats et de la ressource disponible). Pour cela, il va être utilisé un protocole et une analyse permettant d’estimer la qualité de l’habitat piscicoles sur la base des caractéristiques hydrauliques moyennes du cours d’eau. Ce modèle permettra notamment de différencier la valeur d’habitat pour les truites adultes et juvéniles.

La température jouant un rôle important dans le développement et la survie des individus à différents stades, l’étude est complétée par un suivi thermique de l’eau. Pour cela, un enregistreur est positionné sur chacune des rivières suivies. L’enregistrement horaire des données permettra de calculer différentes valeurs de référence, selon les optimums biologiques de la truite à différent stade de développement.

A l’issue des 3 années de suivi post-opérations de repeuplement (~2028), une analyse génétique des individus de truite retrouvées sur les secteurs repeuplés sera faite. Les individus issus de pisciculture (œufs et alevins) ayant un marquage génétique différent des populations natives du Gardon, il pourra être mis en évidence si ce qui est retrouvé sur les secteurs issus d’un repeuplement provient exclusivement d’alevinage, d’une recolonisation exclusivement naturelle ou d’une hybridation.

 

Ruisseau la Loubières

Valat du Roumégous

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques références scientifique:

Baglinière, J.-L. and Maisse, G. (2002). La biologie de la truite commune (Salmo trutta L.) dans la rivière Scorff, Bretagne : une synthèse des études de 1972 à 1997. Productions Animales 5 (15), 319- 331.

Fédération de pêche 64 (2006) – Evaluation de l’efficacité des alevinages par suivi de truites marquées sur des affluents du Gave d’Aspe : la Berthe, l’Espelunguère, le Lauga, le Labadie. 2004, 2005 et 2006.

Lamouroux N. (2002) Estimhab: estimating instream habitat quality changes associated with hydraulic river management. Shareware & User’s guide. Cemagref Lyon – Onema.

Richard A, Bontron L, O’Rourke J, Cattaneo F (2014) Projet PIT tag – Efficacité du repeuplement en estivaux de truite dans deux rivières vaudoises. Rapport final 2011-2013. HEPIA.