Résumé des Journées Poissons Migrateurs 2023

Les Mercredi 15 et Jeudi 16 novembre s’est déroulée la 8ème édition des Journées Poissons Migrateurs en Rhône Méditerranée. Tous les 2 ans, l’association Migrateur Rhône Méditerranée, organise cet évènement pour faire connaître l’ensemble des actions régulièrement menées en faveur des poissons migrateurs sur le bassin Rhône-Méditerranée.

Pour l’édition de 2023, les conférences se sont réparties en 5 sessions:

  1. La situation des Poissons Migrateurs en Rhône-Méditerranée
  2. Le Silure
  3. Le réchauffement climatique; quel impact sur les cours d’eau et les poissons migrateurs
  4. Quelle prise en compte des changements climatiques dans les gestions locales?
  5. Quel avenir pour l’anguille ?

Nous vous proposons donc un résumé de 4 sujets évoqués lors de ces échanges. La synthèse globale est à retrouver directement dans les actualités de MRM

La passe à poissons de Donzère : entre présence du silure et amélioration de sa franchissabilité

La passe à poissons du barrage de Donzère à été le premier ouvrage de franchissement piscicole construit sur le Rhône (1952) mais sa configuration reste vraisemblablement sélective vis-à-vis des aloses. un projet de Petite centrale Hydroélectrique pour turbiner le débit réservé et d’une nouvelle passe à poissons est à l’étude, ave un échéance de mise en service d’ici2030-2035. Dans l’attente, il est envisagé d’améliorer la passe à poissons existante, notamment par un approfondissement des échancrures.

Des suivis par pêches d’inventaire, RFID et vidéo-comptages, engagés depuis2019, ont permis d’identifier les espèces utilisant cet ouvrage. Parmi les migrateurs amphihalins, les anguilles, encore bien présentes sur le Vieux Rhône, utilisent bien l’ouvrage pour franchir la chute. En revanche, les aloses, bien que présentes en effectifs réduits sur le Vieux Rhône de Donzère lors de sa remontée, ne semblent pas franchir le barrage par la passe à poisson actuelle.

En outre, les suivis ont mis en évidence des densités assez importantes de silure tant dans la passe à poissons qu’en aval immédiat, avec des individus présents de manière quasi-permanente dans la passe. Cette présente de silures a été confirmée par les pêches de sauvetage organisées lors des travaux de confortement de la fosse aval du barrage, en 2022 et 2023. des observations visuelles et vidéos ont aussi mis en évidence une prédation dans la passe à poissons.

Ces observations questionnent les actions de restauration / amélioration de la continuité piscicole sur le Rhône à Donzère, en lien avec d’éventuels effet « silure » sur les migrateurs (effarouchement, blessures, prédation, stress) lors des pics de migration.

Le site de Donzère présente donc un très fort intérêt pour l’étude des possibles effets des silures sur les grands migrateurs dans la passe à poissons actuelle et son environnement proche, ainsi que dans la perspective de construction d’un nouvel ouvrage de franchissement intégrant un dimensionnement favorable à l’ensemble des grands migrateurs.

Présentation de F. Pressiat (CNR) et Y. Abdallah (SCIMABIO Interface)

Evolution des processus migratoires des poissons du bassin de la Loire sous l’effet du changement climatique

Les processus clés des cycles de vie de nombreuses espèces animales sont synchronisés avec des paramètres environnementaux, leur permettant ainsi d’optimiser leurs conditions de croissance et de survie, ou celles de leur descendances. En rivières, température et débit sont fréquemment impliqués dans le déclenchement de la migration  et de la reproduction des poissons. Or le changement climatique induit un réchauffement de l’eau et des modifications du débit variables selon les régions et les saisons. En particulier, l’évolution asynchrone de la thermie et de l’hydrologie des rivières peut altérer la durée et la fréquence des fenêtres environnementales favorables pour la migration des poissons amphihalins.

Dans le cadre d’un programme de recherche entre EDF, INAE et LOGRAMI, la méthode « Choc » a été développée pour permettre l’analyse des tendances temporelles conjointe entre 2 séries (par exemple l’association température-débit). Cette  méthode a été appliquée à plusieurs cas d’études en Europe, qui ont mis en évidence comment les changements globaux ont modifié les conditions de migration de l’anguille européenne et du saumon atlantique, et comment ces espèces ont réagi à ces changements environnementaux.

Plus récemment, des données journalières de températures, débit et vitesse du courant ont été modélisées à l’échelle de l’ensemble du bassin de la Loire sur la période 1963-2019. Ce grand jeu de données a été combiné et analysé avec les comptages journaliers des poissons migrateurs de 1997-2021 sur plusieurs passes à poissons. Cette étape a permis de caractériser l’enveloppe des associations entre température de l’eau et vitesse de courant qui peuvent être utilisées par trois espèces amphihalines: le saumon atlantique, la grande alose et la lamproie marine.

Les tendances temporelles dans la fréquence d’occurrence des associations température-vitesse utilisables par les espèces durant leur période de montaison ont ensuite été analysées sur le bassin de la Loire. Les résultats ont mis en évidence une forte variabilité spatiale et saisonnière des tendance dans les associations température-vitesse utilisables par le saumon atlantique, pour sa montaison. En particulière, la migration automnale s’est révélée plus fortement affectée que la migration printanière, avec une réduction attendue de la fenêtre température-vitesse favorable pour l’espèce sur de nombreuses rivières du bassin.

Concernant la grande alose et la lamproie marine, il a été constatée une augmentation généralisée de la fréquence d’occurrence de cette association environnementale pour leur montaison et sur la période d’étude.

Présentation de A. Maire (EDF)

Lamproie marine – espèce migratrice très peu observable dans le Gard

Quatre étapes pour des stations de pompage respectueuses des poissons

En Angletterre, l’Environment Agency, est un gestionnaire dont les responsabilités incluent la gestion des pêcheries. Il a pour mission spécifiques de maintenir, d’améliorer et de développer la pêche, y compris les poissons migrateurs et d’eau douce. La legislation nationale visant spécifiquement une meilleure protection de l’anguille européenne a permis aux spécialistes des pêches d’exiger que les stations de pompages ne soient pas nocives pour l’anguille.

Des progrès scientifique ont été réalisés a l’échelle internationale pour mieux comprendre les risques d’entraînement dans les systèmes de pompes et de turbines. Des méthode de pré-évaluation et de suivi in-situ ont été mises en œuvre. Elles se basent sur:

  • la norme NEN 8775 existante, sur la méthode de détermination de la sécurité des poissons des pompes, vis sans fins et turbines à eau confinée utilisées dans les stations de pompage et les centrales hydroélectriques
  • une pré-évaluation des voies de passages impliquant des dommages potentiels via des modèles de dynamique des fluides
  • des sondes d’enregistrement pour évaluer les risques liés aux infrastructures de turbines et de pompes (variation de pression, de vitesse de déplacement, dégâts physique et physiologique…)
  • Plusieurs expérimentations d’introduction de poissons vivants, en vue de réduire voire remplacer cette démarche uniquement par des technologies de capteurs sensoriels.

A la suite de cela, la méthodologie de pré-évaluation des risques s’accompagne d’estimations de seuils de dommages au dessus desquels un projet comporte des risques. Aujourd’hui, il est montré qu’aucun dommage n’est observés sur l’anguille avec les turbines ichtyo-compatibles étudiées.

Présentation de A.DON  (Agence Environnemental – Angleterre)

Centrale hydroélectrique de Grépiac (31) possédant des turbines ichtyocompatibles

Les débits d’étiage du Rhône sous l’effet du changement climatique

L’agence de l’eau a réalisé une étude sur les débits du Rhône, fleuve le plus puissant de France qui offre actuellement une ressource en eau relativement abondante. Avec le changement climatique, l’évolution des débits d’étiage du fleuve à l’horizon 2055 devient une préoccupation collective. Après une première étude sur la ressource en eau du Rhône en période de basses eaux, une nouvelle étude a été menée sur les débits du fleuve sous changement climatique. Deux années ont été nécessaires pour connaître précisément la part des prélèvements d’eau actuels par rapport aux débits du fleuve, les variations possibles des débits et leur éventuel impact sur les usages et les milieux aquatiques liées à l’eau du fleuve.

Avec une longueur de 810km² et un bassin versant de 98 400km², son débit moyen à son embouchure est de 1700m3/s, ce qui en fait le fleuve français métropolitain le plus puissant et le plus abondant. Mais les effets du changement climatiques se font déjà sentir. Il fait plus chaud et plus sec que dans les années 60, la température moyenne de l’air a augmenté de 1.8°C sur la période 1960-2020. Ce réchauffement est plus marqué sur certains secteurs, en particulier en rive droite du fleuve et durant l’été, avec par exemple +3.6 °C en Ardèche. Les précipitations neigeuses sont plus faibles et la quantité de neige a diminué de 10% en moyenne en raison du réchauffement de l’air.

L’eau du fleuve Rhône s’est également réchauffée. Depuis 1970, la température moyenne de l’eau a augmenté de 2.2°C au Nord à 4.5°C au Sud sous l’effet conjugué de l’élévation de la température de l’air et de l’implantation de centrales nucléaires de production d’énergie. Les sols s’assèchent davantage, en moyenne annuelles de +18% à +37% selon les secteurs depuis 1960, ce qui réduit leur possible contribution au soutient des débits du fleuve. Cet assèchement s’observe d’avantage en rive droite du fleuve, en aval de la confluence avec la Saône et surtout en été.

En conséquence, les débits d’étiage moyens du Rhône ont déjà diminué ces 60 dernières années de 7% à la sortie du Léman et de 13% à Beaucaire, en Camargue. Et les projections climatiques estiment une baisse de l’ordre de 20% supplémentaires des débits moyens d’été à Beaucaire dans les 30 prochaines années. La baisse des débits d’étiage sera la même beaucoup plus forte sur certains affluents (40% en moyenne pour l’Isère et 30% pour la Dôme et la Durance).

A proximité de l’embouchure du Rhône, la part des volumes prélevés dans le fleuve au plus fort de l’été représente actuellement 15% de son volume d’écoulement. Sans avoir à ce stade d’incidence écologique significative, cette valeur n’est pas négligeable et traduit un fort niveau de sollicitation par les usages préleveurs. Cette part d’eau prélevée a déjà pu dépasser les 30% pour les périodes exceptionnellement sèches comme au printemps 2011. Cette situation  rarement observée (2 année sur 30) pourrait devenir fréquente dans les prochaines décennies (6 années sur 30), et certaines années dépasser les 40%.

« Le Rhône restera à moyen terme un fleuve puissant, avec des débits en général élevés, mais il n’échappe pas à la question du partage de la ressource en eau. Sous l’effet du changement climatique, le fleuve Rhône ne peut plus être géré comme une ressource inépuisable. C’est l’un des principaux enseignements de cette étude. La recherche de pratiques plus sobres et la lutte contre les gaspillages sont utiles pour l’avenir. » (Laurent ROY, directeur général de l’Agence de l’eau RMC)

Présentation de I. Eudes (Agence de l’eau)