La loutre entre présence et impact

Ce mammifère est présent dans le département depuis plus d’un siècle. Il avait quasiment disparu dans les années 70, souvent chassé pour sa fourrure et par ce que c’est un concurrent de l’homme. C’est en 1973 qu’elle a été classée protégée (tout comme le castor fiber, cette même année), et sa chasse a été bannie sur le territoire national en 1981. Depuis cette protection, elle a quand même eu du mal à recoloniser tous les milieux. Présente d’abord chez nos voisins Lozérien (bastion ancestral), elle s’est ensuite installée sur le bassin-versant méditerranéen, pour descendre et coloniser les eaux du littoral et de petite Camargue. Cela fait maintenant près de 10 ans qu’elle est en pleine expansion sur notre département.

Nous entendons bien souvent « s’il y a de la loutre, c’est que l’eau est propre ».

Oui et non. Bien sûr, la pollution a une incidence directe sur l’espèce et notamment sur des problèmes de fertilité liés aux produits chimiques et phytosanitaires. Le recalibrage des rivières, le développement des infrastructures autoroutières et ferrées sont autant de risques au développement de son habitat. Obligées de se déplacer sur les routes, les accidents routiers sont une des premières causes de mortalité. Mais c’est certainement la quantité de poisson disponible qui est le réel enjeu du maintien durable de l’espèce. Une loutre a besoin d’1 kg de nourriture par jour pour vivre. Ses déplacements lors de la chasse lui demandent beaucoup d’énergie, d’où un besoin en graisse important. Son régime alimentaire, composé à 80 % de poisson, peut nous interroger sur l’importance de cette prédation sur les espèces piscicoles.

 

Loutre d’Europe. Crédit photo Ellie BURGIN

Est-ce une espèce concurrente pour les pêcheurs ?

Oui et non. La loutre va apporter une prédation à différents niveaux. Sur les eaux de premières catégories, on sait (étude réalisée en Autriche) que les loutres vont plutôt chasser des truites de tailles adultes (bon reproducteur), mais qu’elles auront plus de facilité à capturer un chevesne qu’une truite. Sur les milieux avec du poisson blanc, elles se tourneront en priorité sur les cyprinidés moins rapides que la truite. Et puis il y a aussi une variante dans la saisonnalité, ou elles peuvent se nourrir presque exclusivement d’écrevisses, ou de batraciens: exemple de la haute Cèze, la Gagnière ou au niveau du Mont Aigoual, avec les cadavres de crapauds. Sur la première catégorie, l’espèce apporte une prédation supplémentaire à des milieux déjà fragilisés par le manque d’eau. Sur les eaux de seconde catégorie ou le bassin du Rhodanien, pas certain que l’espèce est un impact sur les populations de poissons.

Ce qui fait la richesse d’un milieu, c’est aussi sa diversité. Il est certain que la loutre apporte ponctuellement un déséquilibre sur certains milieux, comme peut-être perçu le loup sur certains élevages d’ovins.

Mais ne nous trompons pas de combat : les véritables enjeux, sont les multiples facteurs qui limitent et affectent nos populations de poissons, et non un mammifère présent depuis des décennies.