La rivière Dourbie et ses affluents sont réputés pour la pêche, en particulier grâce à de belles densités de truites farios. Depuis quelques années toutefois, l’AAPPMA de Dourbies et les pêcheurs ont constaté que cette abondance de truites farios sauvages avait tendance à diminuer.
Il semblait donc important de vérifier si cette diminution était significative à l’échelle du bassin versant : pour ce faire, une étude a analysé les différentes composantes de l’hydrosystème, incluant la qualité chimique de l’eau, de la faune macrobenthique et piscicole, et de l’attractivité morphodynamique. Voici un résumé des principaux résultats de ces travaux.
L’un des volets de l’étude concerne la physico-chimie de la Dourbie. De manière générale, la qualité de l’eau de la Dourbie est classée très bonne pour la majorité des paramètres. Cependant, la présence de « micropolluants » minéraux d’origine naturelle géologique est observée dans les sédiments. La présence constante de cyanures libres est également constatée à raison de 10 µg/L, ce qui classe ce paramètre en catégorie mauvaise. Plusieurs métaux dont le cadmium, le plomb, le cuivre et le zinc sont également classés en état médiocre.
Un des paramètres primordiaux pour la truite fario est le taux d’oxygène dissous, qui ne semble pas être un facteur limitant pour la truite dans ce cours d’eau.
Cependant, les valeurs atteintes sur certaines stations pour les matières en suspensions et les nitrates pour certaines années constituent un facteur limitant pour la faune benthique et piscicole. L’activité agricole dominante sur le secteur est l’agropastoralisme, avec le regroupement des brebis en amont du hameau Les Laupies. Une zone de ruissellement existe en contrebas de l’enclos de « stockage » du bétail. Lors des fortes pluies il y a un lessivage des sols. Les eaux de ruissellement rejoignent la Dourbie quelques dizaines de mètres en aval. Cette problématique connue de longue date est en cours de gestion par le Parc National des Cévennes.
Etude du peuplement macrobenthique des rivières : protocole I2M2
L’autre intérêt majeur des travaux menés par les services techniques de la Fédération concerne l’évaluation du peuplement macrobenthique de la Dourbie et de ses affluents. Plus de 5560 individus ont ainsi été échantillonnés sur les 4 stations en affluents prélevées en 2021. La présence entre autre de plusieurs familles de plécoptères, trichoptères et d’éphéméroptères est observée.
Sur les quatre stations prélevées en affluent cette année 2021, les densités de macroinvertébrés sont faibles, entre 986 et 2200 individus seulement par station. Cependant, ce constat est en adéquation avec le contexte géologique des affluents, dont la productivité est naturellement faible.
La base de la chaine alimentaire des juvéniles de truites fario étant constituée majoritairement de gammares et de chironomes, l’absence de ces taxons induit une pauvreté de la ressource alimentaire adaptée aux alevins de truite.
La présence de ces macroinvertébrés témoigne de la très bonne qualité biologique des affluents, mais les faibles biomasses traduisent une productivité limitée du milieu. Cette faible productivité n’enlève rien à la qualité du réservoir biologique que constitue le bassin versant de la Dourbie, en effet de nombreuses espèces particulièrement sensibles et exigeantes peuplent les affluents et le cours d’eau principal.
Etude des frayères prospectées au mois de décembre 2020
Pour les frayères, de nombreuses zones potentielles ont été relevées sur les affluents de la Dourbie. Certaines sont avérées par l’observation de truite. La problématique pour la période de reproduction semble plutôt se situer dans les conditions thermiques et hydrologiques rudes du bassin versant en période hivernale. Les apports naturels de sable provenant de l’érosion des granites peuvent colmater les frayères, mais dans la plupart des cas ils sont trop grossiers pour constituer un réel problème de colmatage.
Rappelons qu’une étude scalimétrique avait été réalisée en 2015 par la Fédération de pêche du Gard, la Dourbie était concernée par ces travaux. Il avait ainsi été montré que sur la station Dourbie à la Borie, la taille des truites à 3 ans n’était que de 22.3 cm. La taille minimale de capture de l’époque fixée à 18 cm ne permettait donc pas aux truites d’atteindre leur maturité sexuelle et de se reproduire. Les tailles minimales de capture ont pu évoluer grâce à ces résultats.
Etat du peuplement piscicole grâce aux pêches électriques
Il faut se souvenir que la Dourbie et ses affluents ont été largement alevinés jusqu’en 2005. Après l’arrêt de l’alevinage, le peuplement piscicole du bassin versant reprend une dynamique de cohorte naturelle. Sur la Dourbie au lieu-dit « Laupies », il n’y a par exemple pas de diminution des densités de truite.
Avec une pression de pêche qui semble relativement faible sur la Dourbie amont et ses affluents, aucune modification de la gestion halieutique actuelle ne parait nécessaire.
La population de truite de la Dourbie se porte en effet actuellement bien. De manière générale, les abondances de truites obtenues correspondent aux densités de poissons attendues sur ce type de rivière. L’alevinage maintenait jusqu’en 2005 des abondances de truites trop élevées en regard de la capacité des cours d’eau. La diminution observée depuis une vingtaine d’années sur la Dourbie et ses affluents provient très probablement de l’élimination naturelle des truites surdensitaires, résidus de décennies d’alevinage.
Etude de la qualité des habitats « attractivité morphodynamique » : protocole IAM
Les Indices d’Attractivité Morphodynamique (IAM) ont révélé des disparités dans la capacité d’accueil habitationnelle des cours d’eau. Le Crouzoulous se positionne en tête en offrant le meilleur panel d’habitats favorables. De manière générale, les IAM sont bons à excellents, les affluents étant des ruisseaux de moyenne montagne leur capacité d’accueil est naturellement limitée par leur taille.
Etude thermique
Bien que certaines valeurs sortent du préférendum thermique sur de courtes périodes, les conditions thermiques sur la Dourbie et ses affluents restent favorables pour le bon déroulement du cycle biologique. Même si la tendance générale climatique est au réchauffement, les températures peuvent atteindre des valeurs très basses (jusqu’à -2°C) l’hiver, alors que l’été la température dépasse parfois les 18°C. Cette amplitude thermique sur l’année peut être une explication à l’échec des campagnes d’alevinage. Contrairement aux truites d’élevage déversées jusqu’en 2005 les truites natives de la Dourbie semblent être adaptées à ce type de variations.